L’INDU OBJECTIF

Travail à faire :

·         Mettre sur fiche l’étude en annexe

·         Commenter l’arrêt de l’Assemblée plénière de la cour de cassation

Quelques rappels

Article 1235 al. 1 cc « tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ».

Article 1376 cc «  Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

De ces deux articles, on déduit clairement les conditions qui doivent être remplies pour qu’on parle d’indu : il faut en effet qu’il y ait un paiement, qui est fait par erreur, sans qu’une dette ait existé[1].

Par paiement, il faut comprendre tout acte posé en vue d’éteindre une obligation. Ainsi, il peut s’agir de la remise d’une somme d’argent, de la délivrance d’un bien, de la prestation d’un service…

Il peut arriver que malgré l’existence d’une dette, le paiement ait seulement porté sur une somme supérieure au montant de la dette : dans ce cas, c’est le surplus qui sera vu comme indu et donc sujet à répétition.

Par erreur, on peut comprendre l’appréciation inexacte d’une situation, exp : alors qu’une loi qui vient juste d’être adoptée et publiée supprime le paiement des droits universitaires, le paiement que vous veniez de faire (après l’entrée en vigueur de cette loi) est en principe indu.

L’erreur ici peut être fondée sur l’ignorance de l’existence de cette loi qui venait à peine d’être publiée. 

La notion d’erreur est souvent d’appréciation très rigoureuse par la jurisprudence, car il faut bien la distinguer de celle de faute (celle-ci ayant plutôt pour effet de paralyser l’action en répétition)[2]. Ainsi, dans une affaire, la Chambre sociale de la Cour de Cassation Française a écarté la répétition en observant que «  la connaissance par le débiteur qui paye du caractère controversé de sa dette ne lui permet plus par la suite de se fonder sur une évolution de la jurisprudence pour prétendre avoir payé par erreur. » (Soc. 20 juin 1966, D. 1967. 264, note Rouiller).

Si l’erreur est une condition générale de l’action en répétition de l’indu, il faut cependant remarquer que son rôle est différent en fonction du type d’indu en cause. En effet, en général, on distingue deux variétés d’indus : l’indu subjectif et l’indu objectif.

Parlant de l’indu subjectif, la caractéristique principale c’est que, ici l’erreur porte sur la personne du créancier. En effet, le solvens (celui qui a payé) était bien débiteur, mais non de l’accipiens ; et l’accipiens (celui qui a reçu le paiement)  était bien créancier, mais non du débiteur. L’erreur est une condition essentielle pour l’admission de l’action en répétition de l’indu subjectif.

Parlant de l’indu objectif, il y a lieu de noter qu’ici, l’erreur porte sur la dette, en effet, le solvens à dû croire à tort qu’il était tenu de faire un paiement. Selon la jurisprudence, en cas d’indu objectif, la condition de l’erreur n’est pas indispensable (Cf. arrêt à commenter. La cour de cassation française dit, en réponse au premier moyen que «… dès lors que les cotisations litigieuses n’étant pas dues, la société Jeumont-Schneider était en droit, sans être tenue à aucune preuve (c’est dire sans même avoir à prouver son erreur) d’en obtenir restitution… ».

Bien plus, le paiement peut être indu également avec l'éventuelle annulation ou résolution de la dette. C’est l’hypothèse en cas de résolution de la dette.

Dans tous les cas, lorsque l’action en répétition de l’indu aboutit, l’accipiens est en général condamné à restituer au solvens tout ce qu’il a indûment reçu. S’il est de mauvaise foi (c’est généralement le cas lorsqu’il a su au moment de recevoir le paiement que celui-ci n’était pas dû), il doit restituer les fruits et intérêts produits par la chose.

Dans tous les cas, l’accipiens doit restituer les fruits et intérêts échus depuis la mise en demeure de restituer formulée par le solvens. On peut déduire de cette obligation que la décision judiciaire qui condamne l’accipiens à répéter l’indu est un jugement déclaratoire, et non pas constitutif ; c’est peut-être aussi ce que rappelle la Cour de Cassation à travers sa décision dans l’arrêt qui est donné à commenter.

Fiche de l’arrêt :

Juridiction : Assemblée plénière de la Cour de Cassation Française

Date : 2 avril 1993

Parties : URSSAF (Demandeur) ;      Société Jeumont-Schneider (Défendeur)

Faits : désireuse de procéder à des licenciements du fait de la conjoncture économique, la société Jeumont-Schneider a, au cours de l’année 1985, offert à ses salariés qui accepteraient de quitter l’entreprise une prime de « départ volontaire », des cotisations relatives à ces primes furent spontanément  versées à l’URSSAF de Valenciennes. Ayant ultérieurement été informée qu’une décision de la Cour de Cassation dispensait ces primes de l’assiette des cotisations sociales, la société Jeumont-Schneider, n’ayant pas pu obtenir une restitution amiable desdites cotisations, opta alors pour la voie judiciaire.

Procédure : (bien que n’étant pas précisé dans le corps de l’arrêt, certains commentaires de l’arrêt font état de ce que, la Société Jeumont-Schneider a été déboutée en instance). Sur appel, la Cour d’appel de Douai lui donna raison ; l’URSSAF s’est donc pourvue en cassation.

Moyens de cassation : il en existait deux :

-          Selon le premier moyen, l’URSSAF reprochait à la cour d’appel de s’être fondée sur une décision postérieure au paiement pour la condamner à la restitution des cotisations, ce qui violait l’article L.212-1 c. séc. Soc. Selon une analyse en effet, le paiement dont répétition est exigé n’est pas « un paiement initialement indu mais un paiement ultérieurement déclaré indu. »[3].

-          Selon le deuxième moyen, l’URSSAF reproche à la cour d’appel d’avoir décidé que les intérêts légaux des sommes indûment perçues devraient courir à compter du jour de la demande, alors que ces intérêts devraient en principe courir à partir du jour où le caractère indu du paiement serait reconnu ; et, il était toujours reproché à la cour d’appel d’allouer les intérêts légaux d’une somme non liquide en violation de l’article 455 nouv. C. pr. Civ.

Problèmes :

·         La cour d’appel avait-elle raison de se fonder sur une décision de la cour de cassation intervenue après le paiement des cotisations par la société Jeunot-Schneider pour condamner l’URSSAF à sa restitution ?

·         Les intérêts moratoires d’une somme payée indûment commencent-ils à courir dès la demande de restitution formulée par le solvens ou à partir du jour où la décision ordonnant la restitution est intervenue ? ces intérêts peuvent-ils être valablement alloués alors que le capital demeure indéterminé ?

Décision du juge : par rapport au premier moyen, la cour de cassation semble n’avoir pas directement répondu à la question posée. Elle lui aurait substitué une autre analyse visant à déterminer le caractère des primes versées aux employés pour aboutir à la conclusion selon laquelle ces cotisations n’étaient pas dues. Par rapport au second moyen, la cour de cassation rappelle que celui qui de bonne foi, a reçu ce qui ne lui était pas due est obligé de la restituer avec des intérêts moratoires du jour de la demande dès lors que le montant de la demande peut être déterminé.

Ces deux moyens peuvent meubler nos deux parties :

Zone de Texte: TCHABO SONTANG Hervé Martial
ATER de Droit Privé, FSJP Uds.
I – la reconnaissance du caractère indu des cotisations versées à l’URSSAF par la société Jeumont-Schneider

II – la demande de restitution du solvens : point de départ du calcul des intérêts moratoires.

 



[1] Sur ce point on peut distinguer l’indu objectif qui suppose l’inexistence d’aucune dette à la charge du solvens et l’indu subjectif qui suppose seulement l’inexistence d’un rapport d’obligation entre le solvens et l’accipiens (dans l’indu subjectif, le solvens est bien débiteur, mais non à l’égard de l’accipiens).

[2] Pendant que l’erreur fonde l’action en répétition de l’indu, la faute quant à elle paralyse cette action et consolide l’indu.

[3] Cf. commentaire sous cet arrêt, GAJCiv., 11ème édition, PP. 375 et suiv. citant en effet Sériaux, ‘’Beaucoup de bruits pour rien’’, D. 1993, 229.