LES QUASI-CONTRATS DES LOTERIES PUBLICITAIRES

Travail à faire :

·         Mettre sur fiche la chronique de MM. (Ph.) Le TOURNEAU et (A.) ZABALZA, le réveil des quasi-contrats (à propos des loteries publicitaires), D. 2002 (en annexe)

·         Commentaire de l’Arrêt de la Cour de Cassation, Ch. Mixte, 6 sept. 2002.

Quelques notes sur les travaux de la fiche

Quasi contrat : fait licite et volontaire d’où découlent des obligations soumises à un régime s’apparentant à celui des contrats à la charge de son auteur et d’un tiers, non liés entre eux par une convention. (on dit généralement que les quasi-contrats se rapprochent des faits juridiques dans leur formation (absence de consentement par exemple), mais qu’ils se rapprochent des contrats quant à leur exécution)

· La publicité en soi n’est pas interdite, elle est par ailleurs bien réglementée en ce qu’elle est très importante pour le développement des entreprises commerciales. Mais, si elle est utilisée à des fins nuisibles, ses conséquences négatives doivent être réparées par son auteur (donc, cet Arrêt intervient dans une certaine mesure de corriger un comportement un peu déplacé de la part d’un promoteur commercial).

· Cependant, on peut aussi s’interroger sur le comportement du prétendu gagnant ; en effet, est-il vraiment raisonnable pour quelqu’un de se croire gagnant d’un prix pour lequel il n’a réellement pas concouru (dans tous les cas, le juge de cassation  s’attèle plutôt dans cette affaire à condamner le fait pour un promoteur commercial de créer des illusions dans l’esprit d’un consommateur en l’obligeant à satisfaire cette illusion). Le comportement de l’annonceur dans cette espèce semble n’être pas simplement séductrice, mais bel et bien trompeuse et fallacieuse : en effet, elle est non seulement nominative mais aussi et surtout très précise sur le montant du gain. Si pour l’annonceur il s’agit d’un simple effet de séduction, pour le consommateur c’est un gain acquis, la question posée au juge se démarque alors : le préjudice que le consommateur prétend avoir subi d’une telle annonce est-il juridiquement protégé ? si oui sur quel fondement ?

· Traditionnellement, le droit est porté à protéger la partie faible. La protection des consommateurs dans leurs rapports avec les commerçants participe de ce souci. Ainsi, lorsque la relation concerne le droit de la consommation, les solutions dégagées peuvent être différentes de celles qui auraient pu être retenues en d’autres matières.

· Il faut retenir que dans cette affaire, quand M. M. saisit le juge, il ne réclame par le paiement du montant promis, mais, il demande plutôt au juge de lui allouer des DI pour le préjudice moral qu’il aurait subi à cause de cette fausse annonce. (on a un peu comme impression que malgré la promesse, l’annonce n’a pas fait de lui un créancier du montant annoncé).

· On doit aussi peut être reconnaitre que les faits de cette cause étaient bien complexes et départageaient les différents juges saisis dans leurs interprétations. En effet, deux personnes ayant subi les mêmes faits contre la même société, ont connu des fortunes diverses devant les différentes juridictions d’instance qu’elles ont saisi : Pendant que le TGI de Tours donnait raison à M.M. ;  le TGI de Paris déboutait M. B. au motif que ce dernier aurait utilisé la forme conditionnelle dans la lettre qu’il renvoyait à la société annonciatrice : « Si (on en déduit qu’il doutait lui-même de cette qualité et donc confirmait le caractère aléatoire de l’annonce) je suis gagnant »

· Cet Arrêt est un arrêt de principe. Il adopte un fondement juridique ( quasi contrat) distinct de ceux qui jusqu’alors étaient utilisés  par la jurisprudence(fondement de la faute de l’art. 1382cc ; fondement de la défaillance contractuelle). Comme le note la doctrine (voir Annexe de la fiche), le fondement de la faute (art. 1382cc) était devenu insuffisant pour embrasser l’ensemble des situations.

· Le fondement de la défaillance contractuelle semblait le mieux protecteur des droits de la victime en ceci que celui-ci était dispensé de l’obligation de déterminer le préjudice, en effet selon la doctrine (Cf. annexe, avec ce fondement « L’annonce du gain est ici analysée comme une offre scellée par la rencontre de l’acceptation matérialisée par la réponse positive du destinataire… elles (victimes) n’ont plus à prouver l’existence d’un préjudice… ». mais, strictement parlant, peut-on vraiment voir en une annonce pareille, les caractères d’un offre valable (fermeté et précision) ?

· Consécration du fondement quasi-contractuel : Dans son analyse, la Cour de Cassation conclut et consacre le caractère quasi-contractuel de certaines loteries publicitaires remplissant un certain nombre de conditions. Elle relève que lorsqu’il s’agit en effet de faits volontaires de l’annonceur, et que l’annonce se fait de façon nominative et répétée, l’annonceur est tenu « en cas de réclamation effectuée par son destinataire, à lui verser ladite somme » ; en effet « Le fait purement volontaire, licite ou non, est susceptible d’engager son auteur envers un tiers, indépendamment de la preuve d’un contrat, ou de l’établissement des conditions de la responsabilité civile ». (peu importe qu’il existe un contrat entre les parties ou que l’une ait commis une faute vis-à-vis de l’autre). L’annonce purement volontaire d’un gain au destinataire oblige son auteur à exécuter l’engagement pris

· Raisons et enjeux du fondement quasi-contractuel : le fait pour le juge de ne retenir que le fondement quasi contractuel (c'est-à-dire en rejetant le fondement contractuel qui devait obligé la victime à apporter la preuve d’un contrat et l’intention de s’engager de l’annonceur ; ou le fondement de la faute qui devait limiter le montant de la réparation et obliger la victime à apporter la preuve du préjudice subi et du lien de causalité…) le juge de cassation retient un fondement simple qui dans la plupart des cas doit conduire à condamner les annonceurs et donc à limiter, voire éradiquer le phénomène ; bien plus ce fondement vise à unifier le régime juridique des loteries publicitaires. Ce fondement concilie «  les avantages du régime de la défaillance contractuelle et de la responsabilité délictuelle, sans pour autant hériter de leurs inconvénients respectifs » (Cf. annexe)

· De la légitimité du fondement quasi contractuel : En général, les quasi-contrats consacrée par le code civil vise à corriger des injustices, à remettre les parties en l’état en corrigeant des déplacements injustifiés de valeurs entre deux patrimoines. Ainsi, comme le note un auteur si le quasi-contrat se traduit par un «mouvement économique en retour », il implique un « mouvement économique à l’aller » (or dans notre espèce, en condamnant la société organisatrice, il ne s’est pas agi pour le juge de restituer à la victime des valeurs dont elle aurait été injustement dépossédée) ; mais, ce nouveau quasi contrat est particulier, il est plutôt correcteur d’un abus : c’est un quasi-contrat sanction.

TCHABO SONTANG Hervé Martial

ATER de Droit Privé, FSJP Uds.