L’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACCIDENTS DE CIRCULATION
Extraits
du code CIMA
ARTICLE 227 : INCIDENCES DE LA FAUTE DU CONDUCTEUR ET IMPOSSIBILITÉ
D'APPRÉCIER LES FAUTES COMMISES
La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à
moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages
corporels ou matériels qu'il a subis. Cette limitation ou cette exclusion est opposable
aux ayants droit du conducteur et aux personnes lésées par ricochet.
Lorsque les circonstances d'une collision entre deux ou
plusieurs véhicules ne permettent pas d'établir les responsabilités encourues,
chacun des conducteurs ne reçoit de la part du ou des autres conducteurs que la
moitié de l'indemnisation du dommage corporel ou matériel qu'il a subi.
Lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en
est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au
propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le
propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur sous réserve des
dispositions prévues à l'article 42.
ARTICLE 228 : VICTIMES N'AYANT PAS LA QUALITÉ DE CONDUCTEUR
Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres
à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne
qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à
l'exception du cas où elles ont volontairement recherché les dommages subis.
Les fournitures et appareils délivrés sur prescription
médicale donnent lieu à indemnisation selon les mêmes règles.
La faute commise par la victime a pour effet de limiter ou
d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis.
ARTICLE 229 : LÉSÉS À LA CHARGE EFFECTIVE DE LA VICTIME
Le préjudice subi par les personnes physiques qui établissent
être en communauté de vie avec la victime directe de l'accident peut ouvrir
droit à réparation dans les limites ci-après:
- en cas de blessures graves réduisant totalement la capacité
de la victime directe, seul(s) le(les) conjoint(s) sont admis à obtenir
réparation du préjudice moral subi, et ce dans la limite de deux SMIG annuels,
pour l'ensemble des bénéficiaires ;
- en cas de décès de la victime directe, la personne lésée
par ricochet est assimilée, selon son âge, à un enfant majeur ou mineur. A ce
titre elle entre parmi les bénéficiaires énumérés aux articles 265 et 266 du
présent code.
La réparation à laquelle elle
peut prétendre entre dans la limite des plafonds fixés par ces textes.
Quelques généralités sur le droit
CIMA
Champs d’application
du droit CIMA
·
Sur le plan temporel : les dispositions du code CIMA
s’appliquent dès leur entrée en vigueur ou dès leur ratification pour les Etats
qui ne l’ont adopté que postérieurement à son entrée en vigueur (1995) ;
cet article dispose aussi que le code CIMA régissait aussi les contrats
d’assurance en cours (principe de l’application immédiate). Cependant selon
l’article 99 nouveau dudit code, les articles 1 à 98 ne s’appliquent qu’aux
nouveaux contrats d’assurance conclus depuis sa mise en vigueur.
·
Sur plan spatial : les dispositions du code CIMA
s’appliquent lorsqu’un contrat d’assurance est souscrit ou exécuté dans un Etat
membre, peu importe que le risque soit réalisé à l’étranger.
·
Sur le plan matériel : le principe est que le code CIMA ne
s’applique qu’aux seules assurances terrestres (ce terme vise les assurances de
dommages –atteintes au patrimoine- et les assurances de personnes –atteintes à
la personne physique-) mais, toutes les assurances terrestres ne sont pas
concernées, ainsi, les opérations de réassurance (opération d’assurance par
laquelle une entreprise d’assurance se fait assurer à son tour pour tout ou
partie des risques qu’elle demeure seule tenue de garantir à l’égard de
l’assuré) et de l’assurance-crédit (assurance par laquelle un créancier peut
faire assurer la solvabilité de son débiteur)[1] sont exclues.
Domaine de
l’assurance obligatoire
L’article 200 al. 1 code CIMA dispose que : « Toute personne
physique ou toute personne
morale autre que l’Etat, au sens du droit interne, dont la
responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des
tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens et causés par un véhicule terrestre à moteur,
ainsi que ses remorques ou semi-remorques doit, pour faire
circuler lesdits véhicules, être couverte par une assurance garantissant cette
responsabilité, dans les conditions fixées par le présent code ».
·
Toute
personne (physique ou morale) est concernée par cette obligation sauf l’Etat.
·
Les garagistes et professionnels de l’automobile doivent selon l’article 201
souscrire une assurance pour leur propre responsabilité, pour celle des
personnes travaillant dans leur exploitation et celle des personnes ayant la
garde ou la conduite du véhicule sous leur autorisation. Cette assurance couvre
les risques résultant de l’utilisation de véhicules qui leur sont confiés.
Véhicule terrestre à moteur : c’est un engin à roues mû par
une force motrice autonome servant à transporter des hommes ou des choses.
Remorques et semi-remorques : ce sont des véhicules
terrestres construits pour être attelés à un véhicule terrestre à moteur et
destinés au transport de personnes ou des choses
NB. L’article 203 exclue du champ
d’application de l’article 200 les dommages causés par les chemins de fer et
les tramways.
·
Selon
l’article 205, L'obligation d'assurance s'applique à la réparation des dommages
corporels ou matériels résultant :
-
1°
des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, les accessoires
et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu'il
transporte ;
-
2°
de la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits.
·
Rationae personae, est en principe exclue de l’obligation d’assurance, la réparation des
dommages subis par le conducteur du véhicule (Art 206). Mais, à la lecture
de l’article 227, on a l’impression que le conducteur non fautif aura droit à
l’indemnisation des dommages qu’il aura subis dans les mêmes conditions que les
autres victimes.
·
Sur
le fondement de l’indemnisation, il faut retenir que le véhicule terrestre à
moteur doit avoir causé l’accident
·
Causes d’exonération de l’obligation d’indemniser : la force majeure et le fait
d’un tiers sont inopérants[2]. Par ailleurs la victime
ne peut se voir opposer sa propre faute qu’au cas où il est établi qu’elle a
volontairement recherché les dommages subis. Si la victime était conducteur, sa faute aura pour effet de limiter ou d’exclure
l’indemnisation.
·
En
principe, les parties à un contrat d’assurance peuvent exclure de la garantie
certains risques. En vertu de
l’article 10 du code CIMA, l’assureur peut opposer au porteur de la police
d’assurance ou au tiers qui en invoque le bénéfice, les exceptions opposables
au souscripteur originaire. Mais, l’article 210 du même code répute certaines
exclusions inopposables aux tiers. A titre d’exemple, s’il est convenu au
contrat que l’assuré conservera à sa charge une partie de l’indemnité (art. 209
–clause de franchise-), cette clause ne sera pas en principe opposable au tiers
(en effet, cette clause peut être opposable au tiers si, le sinistre n’ayant
causé que des dégâts matériels, le montant des réparations n’excède pas la
somme fixée par arrêté ministériel). En cas d’accident, l’assureur doit
procéder au paiement de l’indemnité pour le compte de l’assuré avant de se
retourner contre lui (action récursoire ou subrogatoire).
L’indemnisation des
victimes :
·
L’indemnisation
ici est particulière. Elle ne suit pas le régime de la réparation intégrale,
elle obéit à un ensemble de modalités en fonction de situations, ces modalités
sont : la barêmisation, la forfaitarisation ou
le plafonnement.
·
Selon
l’article 231 CIMA, la procédure d’indemnisation commence par l’offre
d’indemnisation, en effet « Indépendamment de la réclamation que peut
faire la victime, l’assureur … est tenu de présenter… une offre d’indemnité à
la victime qui a subi une atteinte à sa personne. En cas de décès de la
victime, l’offre est faite à ses ayants droit… »
·
Le
débiteur de l’offre, c’est l’assureur, il doit le faire dans un délai de 12
mois depuis l’accident ou le jour dont il en est informé.
·
Le créancier
c’est soit la victime directe (personne qui du fait du sinistre est atteinte
dans ses biens ou dans son intégrité physique) ou ses ayants droit (personnes
établissant avoir une communauté de vie avec la victime, l’attribution de cette
qualité varie en fonction de la situation et du préjudice indemnisable). Il
peut dénoncer la transaction, il dispose pour ce faire d’un délai de 15 jours
depuis le jour où il a reçu l’offre.
·
Si la transaction
n’aboutit pas, le juge peut être saisi, c’est la procédure judiciaire.
·
Si la victime n’a
souffert que d’atteintes matérielles, l’assureur ne sera pas tenu de lui faire
une offre (article 231, in fine)
·
L'offre comprend tous les éléments
indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux
biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.
·
L’offre peut avoir un caractère
provisionnel
lorsque l'assureur n'a pas, dans les six mois de l'accident, été informé de la
consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit
alors être faite dans un délai de six mois suivant la date à laquelle
l'assureur a été informé de cette consolidation.
·
Sont
aussi vus comme victimes les conducteur, surtout lorsque les atteintes dont il
souffre résulte d’une collision.
·
Ne
sont pas bénéficiaire de l’offre, les victimes dont l’auteur responsable est
non assuré et se révèle insolvable ou celles dont l’auteur responsable ne peut
être identifié.
CONSULTATION JURIDIQUE
Impatient de se rendre à une partie de pêche, M. Kenfack, au
volant de la voiture de son ami Essomba, traverse à vive allure un petit
village sans respecter la limitation des vitesses. Arrivé à une intersection,
il est surpris et il n’a pas le temps ni de freiner, ni de ralentir, pour
éviter le tracteur des époux Aboubakar conduit par leur fils âgé de 12 ans qui
omet de respecter la priorité à droite. La collision, violente, est inévitable
et provoque la rupture de l’attache reliant une remorque du tracteur. La remorque
vient percuter Mme. Fotso, gravement blessée, a également perdu sa prothèse
auditive.
M. Kenfack décèdera après quinze jours d’hôpital et Mme.
Kenfack, qui était la passagère de son mari, restera des mois hospitalisée sans
travailler et gardera une importante cicatrice au visage. La voiture conduite
par M. Kenfack nécessitera diverses réparations fort
coûteuses.
Quels préjudices les différentes victimes pourront-elles
obtenir indemnisation en application du code CIMA ?
En général, lorsque par le fait d’une personne, un individu a
souffert d’un préjudice il a droit à une juste réparation. Le principe
indemnitaire veut alors que tout le préjudice subi soit réparé. Le préjudice
justifie et sert de limite à l’indemnisation. Cependant, certains préjudices obéissent,
pour leur réparation à des mécanismes spécifiques. Il en est ainsi des
préjudices subis à cause d’un accident de circulation, qui dépendent en
principe des règles posées par le code CIMA lorsque les conditions de son
application sont réunies. Ici, les modalités d’indemnisation opèrent une
distinction selon que la victime est conductrice ou non, selon que la victime
est directe ou indirecte et selon que le préjudice est corporel ou matériel.
Nous allons essayer de répondre à la question posée en suivant
la distinction en fonction du préjudice.
·
Les préjudices corporels indemnisables.
On doit
relever qu’en principe, en matière d’accidents de circulation et selon le code
CIMA, tous les préjudices ne sont pas réparables (Cf. ARTICLE 257 : Les seuls
préjudices susceptibles d'être indemnisés sont ceux mentionnés aux articles 258
à 266.)
A-
Les victimes directes
-
Frais médicaux et d’hospitalisation : selon l’article 258, Les
frais de toute nature peuvent être, soit remboursés à la victime sur
présentation des pièces justificatives, soit pris en charge directement par
l'assureur du véhicule ayant causé l'accident. Toutefois, leurs coûts ne
sauraient excéder deux fois le tarif le plus élevé des hôpitaux publics du pays
de l’accident et en cas d’évacuation sanitaire justifiée par expertise, une
fois le tarif le plus élevé des hôpitaux publics du pays d’accueil. Seront indemnisés de ce chef Mme. Fotso (du
fait de ses blessures) et Mme. Kenfack (pour son hospitalisation) de même
Toutefois, pour être indemnisables,
ces dépenses doivent être justifiées et être conforme aux modalités de leur
évaluation (art. 258 al. 1)
-
Incapacité temporaire, Mme. Kenfack sera indemnisée de ce
chef (du fait qu’elle passe plusieurs mois a l’hôpital,
ainsi, la durée d’hospitalisation est
supérieure à 8 jours) selon les modalités prévues à l’article 259 du code
CIMA.
-
Préjudice esthétique (préjudice tenant à la persistance
d’une disgrâce physique chez la victime d’un accident), Mme. Kenfack sera
indemnisée de ce chef (du fait de l’importante cicatrice qu’elle gardera sur le
visage)
-
Préjudice de carrière, ce préjudice n’est réalisé que si ,
soit la victime perd définitivement la profession qu’elle exerçait avant le
sinistre, soit elle ne peut plus exercer, après le sinistre, une autre activité
aussi ou plus rémunératrice que la précédente ou ne peut le faire qu’à un
rythme réduit. Ainsi, on peut imaginer
que les longs mois d’hospitalisation de Mme. Kenfack pourront avoir un impact
sur ses facultés professionnelles, elle devra alors apporter la preuve de la
diminution de ses facultés professionnelles pour que ce préjudice soit
indemnisé.
-
Souffrance physique ou pretium
doloris M. et Mme. Kenfack et Mme. Fotso seront indemnisées de ce chef.
B- Les ayants droit
Il s’agit ici d’étudier les droits appartenant aux ayants
droit du fait du préjudice qu’il aurait personnellement subi.
-
Frais funéraires, les ayants droit de M. Kenfack
pourront sur présentation des pièces justificatives être remboursés des frais
occasionnés par le Décès de M. Kenfack dans la limite du SMIG annuel (art. 264
CIMA)
-
Préjudice économique, en vertu de l’article 265 du code
CIMA, Chaque enfant à charge, conjoint (e) et ascendant en ligne directe de M.
Kenfack recevra un capital qui sera déterminé d’après les modalités prévues par
le même texte
-
Préjudice moral, en vertu de l’article 266 CIMA, le
(s) conjoint (s), les enfants mineurs, les enfants majeurs, les ascendants et
des frères et sœurs de M. Kenfack pourront être indemnisé du préjudice moral qu’ils
ont subi.
En plus de
ces préjudices dont les ayants droit peuvent obtenir indemnisation à travers
une action personnelle, il y a lieu de noter que compte tenu du décès de M.
Kenfack, ses ayants droits sont désormais créanciers de l’offre ; en effet,
selon l’article 231, « … en cas de décès de la victime, l’offre est
faite à ses ayants droits … ». Ainsi, ils peuvent réclamer, par voie
successorale, l’indemnisation auquel aurait eu droit M. Kenfack au titre des
préjudices suivants :
-
Frais
médicaux et d’hospitalisation : avant son décès, il a passé 15 jours à
l’hôpital).
-
Souffrance
physique ou pretium doloris
-
Incapacité
temporaire
Toutefois,
il faut se rappeler que chaque fois que le préjudice de la victime conductrice
est indemnisable nous devons avoir à l’esprit qu’il sera tenu compte dans cette
réparation de son comportement en vertu de l’article 227 CIMA.
Ainsi, les
faits nous disent que le comportement de M. Kenfack peut être répréhensible, il
n’a pas respecté la limitation des vitesses, ainsi, il est pensable que ses
préjudices ne seront pas entièrement réparés et cette limitation sera même
opposable à ses ayants droit.
·
Préjudices matériels indemnisables
-
La
prothèse auditive de madame Fotso (cf. Art. 228 al. 2 et art. 258 CIMA)
-
Les frais de réparations de la voiture conduite par M.
Kenfack : à ce niveau, il y a lieu de noter que le dépassement de la
limite des vitesses par M. Kenfack peut être vu comme une faute. De ce fait, il
est pensable que l’assureur pourra limiter ou s’abstenir de toute indemnisation
au profit de M. Essomba, propriétaire dudit véhicule. Ce dernier ne pourra
alors que se retourner contre la succession de M. Kenfack.
[1] Cf. Assi-Esso (A.M H), Issa-Sayegh (J) et Lohoues-Oble (J), CIMA, Droit des Assurances, Juriscope, Coll. Droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002. PP. 173 et suiv.
[2] Certains auteurs pensent que si le conducteur ou le gardien du véhicule ne peut se prévaloir de la force majeur, ce n’est plus juridiquement une responsabilité qui pèse sur lui, mais une garantie, Cf. François CHABAS, ‘’commentaire de la « Loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation »’’, JCP., 1985, 1305.