PRINCIPE GENERAL DE LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI

 

Notes et rappels

Article 1384 Al. 1 cc: « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde… »

·       Au départ, la jurisprudence n’a pas vu dans l’esprit de cette disposition l’idée d’un principe général de la responsabilité du fait d’autrui. En effet, il était dit que, les seules hypothèses de responsabilité du fait d’autrui étaient celles strictement prévues par la loi, en l’occurrence les parents pour leurs enfants mineurs, les instituteurs pour leurs élèves, les artisans pour leurs apprentis et les commettants pours leurs préposés.

·       Ainsi, en dehors de ces cas, personne ne pouvait être vu comme responsable du fait d’une autre personne. En effet, le caractère individualiste de la responsabilité était jugé incompatible avec l’idée de répondre des dommages causés par un autre. Il fallait selon cette conception interpréter les alinéas 4 et suiv. de l’article 1384 strictement (déjà qu’en vertu du principe sus-cité, les hypothèses prévues par ces alinéas étaient exceptionnelles). Mais, cette position a été affaiblie avec le temps si bien que la jurisprudence a fini par l’abandonner.

·       Actuellement, la jurisprudence a su trouver dans l’alinéa 1er de l’article 1384 un fondement juridique sérieux pour retenir la responsabilité du fait d’autrui en dehors des cas spécifiques sus mentionnés. Elle adopte cette démarche pour la première fois en décidant que : « il résulte que l’association avait accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de cet handicapé, la cour d’appel a décidé, à bon droit, qu’elle devait répondre de celui-ci (handicapé), au sens de l’article 1384, alinéa 1er du code civil, et qu’elle était tenu de réparer les dommages qu’il avait causés ». Ainsi, par cet arrêt, la cour de Cassation marque clairement que les hypothèses prévues par les alinéas 4 et suiv. de l’art. 1384 cc ne revêtent pas un caractère limitatif.

·       De cette décision, on déduit un certain nombre de conséquences dont la plus importante semble être l’idée selon laquelle, on peut être responsable du fait d’autrui directement sur la base de l’alinéa 1er de l’article 1384cc. Mais, certaines conditions doivent justifier cette responsabilité. En effet, il faut tout d’abord qu’il y ait un fait illicite de la personne dont on doit répondre, ensuite il faut qu’il existe entre l’auteur du dommage et le civilement responsable un lien de dépendance. Bien plus, il faut retenir d’après les jurisprudences postérieures que cette responsabilité ne s’applique pas à tout le monde. Ainsi, selon un arrêt du 25 février 1998, l’article 1384 al.1 ne s’applique pas à l’administrateur légal du majeur en tutelle. Mais, dans une autre espèce, elle a retenu la responsabilité du beau père du mineur (Cf. Crim. 28 mars 2000).

·       La présomption découlant de l’art. 1384 al.1 est vue comme étant mixte. En effet, il a été décidé que « les personnes tenues de répondre du fait d’autrui au sens de 1384 al.1 ne peuvent s’exonérer de la responsabilité de plein droit résultant de ce texte en montrant qu’elles n’ont pas commis de faute » (Cf. Crim. 26 mars 1997, D. 97, 496. Note Jourdain). Ainsi, il est désormais clair que le civilement responsable  sur le fondement de l’art. 1384 al. 1 ne sera exonéré qu’en cas de force majeure ou de faute de la victime ; cette dernière exonérant totalement ou partiellement selon qu’elle est revêtue des caractères de la force majeure ou pas. Cette position est semblable à celle retenue pour le cas du gardien de la chose (responsabilité objective, de plein droit).

·       Dans une affaire, la cour de cassation a décidé que celui qui a régulièrement reçu la garde d’une personne en danger doit répondre des actes des cette dernière. « La décision… confiant à une personne physique ou morale la garde d’un mineur en danger… transfère au gardien la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler le mode de vie du mineur et donc la responsabilité de ses actes, celle-ci n’étant pas fondée sur la responsabilité parentale mais sur la garde » (Cf. Crim. 10 oct. 1996, JCP 1997. II. 22833, note Chabas). Ainsi on se pose la question de savoir si la garde d’autrui conduit forcément à la responsabilité du fait d’autrui sur le fondement de l’art. 1384 al.1. tel n’est pas toujours le cas, en effet dans l’hypothèse d’enfants confiés temporairement, les personnes qui reçoivent les enfants n’en sont pas responsables sur le terrain de 1384 al. 1 (Civ. 2ème 18 sept. 1996, bull. civ. II, n° 217) ; en outre elle a exonéré le tuteur / administrateur légal d’un majeur handicapé mental (Civ. 2ème 25 févr. 1998, Bull. civ. II, n° 62, P. 38). Mais, en 2000, la chambre criminelle a admis la responsabilité d’un tuteur pour les dommages causés par son pupille, aux motifs qu’il aurait accepté la garde de celui-ci ainsi que la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent son mode de vie (Crim. 28 mars 2000, JCP 2000. I. 241, n°9, obs. Viney, D. 2000, IR 171).

·       Le régime de cette responsabilité n’est donc pas très bien précisé, il semble ne pas exister de critères généraux pour sa mise en œuvre, la chambre criminelle n’étant pas sur la même longueur d’onde que la chambre civile.

·       Il s’agit bien d’une responsabilité de plein droit contrebalancée par un domaine d’application encore bien limité.

·       Alors qu’on pensait qu’en général l’on ne pourrait sur le fondement de l’alinéa 1er art. 1384 être responsable que du fait de personnes mineures ou incapables, la cour de cassation a décidé dans un arrêt que « Les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres au cours des compétions sportives auxquelles ils participent sont responsables des dommages qu’ils causent à cette occasion », or, dans cas les membres de l’association sont en pleine possession de leurs moyens physiques et mentaux, ils sont libres. En effet, cette décision est objectivement justifiée par le fait que cette association exerce sur ses membres les pouvoirs d’organisation, de direction et de contrôle. Certains auteurs ont vu dans cette décision des arrêts d’espèces reposant sur des considérations de pure opportunité liées au droit des assurances, et notamment à l’obligation de s’assurer qui pèse sur les groupements sportifs (souci d’indemnisation des victimes).

Zone de Texte: TCHABO SONTANG Hervé Martial
ATER de Droit Privé, FSJP Uds.