Le règlement des différends dans la Zone OHADA et dans le contexte ZLECAF
Introduction:
L’intégration est un thème majeur du droit africain. Elle occupe une place particulière dans l’ordre juridique de l’Union africaine (UA). Il ressort en effet de l’article 3 de l’Acte constitutif de cette Organisation que les objectifs qui lui sont assignés consistent, entre autres, à « (c) accélérer l’intégration politique et socio-économique du continent; (…) (j) promouvoir le développement durable aux plans économique, social et culturel, ainsi que l’intégration des économies africaines ; (i) coordonner et harmoniser les politiques entre les Communautés économiques régionales existantes et futures en vue de la réalisation graduelle des objectifs de l’Union ». Il y a donc comme une emphase qui est mise sur l’objectif d’intégration des États africains et, on peut dès lors comprendre les raisons du développement du phénomène d’intégration sous l’égide de l’UA. En effet, pour ne prendre que l’exemple de l’intégration économique, à côté des 8 Communautés économiques régionales (CER) officielles reconnues par l’UA, il faut désormais compter la Zone de Libre-Échange Continentale en Afrique (ZLECAF).
La création de la ZLECAF vise la réalisation d’un ensemble d’objectifs parmi lesquels la création d’un marché unique pour les marchandises et les services facilité par la circulation des personnes afin d’approfondir l’intégration économique du continent africain et conformément à la vision panafricaine d’une « Afrique intégrée, prospère et pacifique » telle qu’énoncée dans l’Agenda 2063 ; la libre circulation des capitaux et des personnes physiques et la facilitation des investissements en s’appuyant sur les initiatives et les développements dans les États parties et les CER (Art. 3, Accord ZLECAF). Pour atteindre ces objectifs, il est évident que les conditions validées et consacrées au sein de l’UA, comme nécessaires au succès de tout processus d’intégration, doivent être respectées. De la lecture de l’Acte constitutif de l’UA, son article 4 notamment, il ressort clairement que le succès d’un processus d’intégration d’États africains ne peut procéder que d’une réalisation effective du Respect des principes démocratiques, des droits de l’homme, de l’État de droit et de la bonne gouvernance. Cela suppose nécessairement le respect et la primauté du droit et donc notamment la mise en place des mécanismes de règlement pacifique des différends (art. 4-e Acte constitutif UA). D’ailleurs, comme le relève un auteur, « l’idée selon laquelle un organe juridictionnel est indispensable dans la panoplie institutionnelle des organisations d’intégration économique est largement reçue » (M. Kamto, « Les cours de justice des communautés et des organisations d’intégration économique africaines », in A. A. Yusuf (ed.), African Yearbook of International Law, 1999, p. l08). Plus précisément, soutient un autre auteur, dans toute CER, c’est la force des outils judiciaires qui détermine le succès du processus (P. Kenneth Kiplagat, ‘’Dispute Recognition and Dispute Settlement in lntegration Processes: The COMESA Experience’’, Northwestem Journal oflntemational Law & Business 15 (1995), p. 490), ce n’est qu’un bon organe juridictionnel au sein d’un processus d’intégration économique régional qui pourrait mieux soutenir le reste du processus.
Intervenue dans un contexte où « la juridictionnalisation des organisations d’intégration » est généralisée (M. Kamto, préc), la ZLECAF n’a pas échappé à ce mouvement. Son cadre juridique a en effet prévu un Protocole sur les Règles et Procédures relatives au Règlement des Différends (PRPRD). Évidemment, le système mis en place par ce dispositif n’est pas encore éprouvé ; mais l’on peut déjà observer qu’il s’inspire très largement du mécanisme en vigueur au sein de l’OMC, ce qui peut conduire à poser la question de savoir pourquoi ne s’être pas plutôt inspiré d’un modèle en vigueur en Afrique et notamment de celui fonctionnant dans le cadre de l’OHADA dont l’efficacité est généralement relevée. De manière générale d’ailleurs, on a l’impression que la conception de la ZLECAF n’a pas beaucoup intégré l’OHADA et ses acquis. Ce serait probablement une erreur. Si les règles contenues dans l’Accord de la ZLECAF fixent le cadre et les principes régulant la libre circulation et les modalités de fonctionnement du marché intérieur, il faudrait en plus que d’autres règles s’occupent des aspects substantiels en régissant notamment les transactions se nouant sur ledit marché. La circulation des biens se fait ou entraine systématiquement des transactions (vente, garantie, recouvrement, exécution forcée, etc.). Il faut, pour la fluidité de ces transactions, l’ordre et l’harmonie sur le marché intérieur, que des règles appropriées prennent en charge ces transactions. Il peut s’agir des règles uniformes de conflit permettant le cas échéant de déterminer aisément la règle applicable au fond, mais surtout, grâce à son esprit d’harmonisation ou d’uniformisation, l’OHADA peut mettre sur pied des règles matérielles déterminant directement et notamment les droits et obligations des parties aux transactions.
En articulant harmonieusement l’OHADA et la ZLECAF, on pourrait certainement mieux encadrer le fonctionnement du marché intérieur. Sur le plan processuel, une telle démarche pourrait contribuer à optimiser et rendre plus prévisibles les mécanismes de règlement des différends dans les deux organisations. Pour le moment, ces mécanismes, quoique mus par un souci de faciliter autant que faire se peut le règlement ordonné des différends, ce en proposant une panoplie de modes (I), se caractérisent au fond par des différences marquées (II).
Pour aaccéder à la version complète de l'article publié dans le Bulletin ERSUMA Pratique Professionnelle (BEPP), n° 62, octobre 2022, pp. 4-7.
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